Décryptages
3/10/23
La pratique des chèques différés

Dans un contexte de hausse de l’inflation, plusieurs grandes surfaces (« Distributeur(s) ») ont fait le choix de proposer à leurs clients la possibilité de régler par chèque leurs courses, et de l’encaisser à une date ultérieure, dans un délai de deux à trois mois, afin d’améliorer le pouvoir d’achat de leurs clients.
Si de prime abord cette pratique semble apparaître comme une réelle mesure au bénéfice des clients, celle-ci peut néanmoins exposer les clients émetteurs des chèques à des risques importants pouvant les mettre en grande difficultés financières.
- Que devient le chèque jusqu’à son encaissement par le Distributeur ?
Il est généralement admis d’écrire au dos du chèque différé la date d’encaissement, un chèque restant valide pendant 1 an et 8 jours à compter de la date de sa création, mentionnée sur le recto du chèque.
Lors de la remise du chèque à l’encaissement auprès de sa banque par le Distributeur, l’établissement bancaire doit effectuer certaines vérifications (mentions obligatoires du chèque) avant de procéder au paiement.
Il est à noter que les juridictions françaises ont rappelé à maintes reprises que la remise d’un chèque n’est libératoire qu’après son encaissement effectif par la banque du bénéficiaire.
- Quelle est la différence entre un chèque différé et un crédit à la consommation ?
Un chèque est un écrit par lequel une personne, appelée tireur (émetteur du chèque), donne l’ordre à un établissement appelé tiré (sa banque), de payer à vue, c’est-à-dire qu’il doit être payé dès sa présentation à l’encaissement, une certaine somme à une troisième personne appelée bénéficiaire. C’est un instrument de paiement qui a des mentions obligatoires, dont la date d’émission du chèque.
Quant au crédit à la consommation, il s’agit d’un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, accordé à un particulier qui ne concerne pas l’immobilier.
Le chèque différé et le crédit à la consommation ont donc une nature juridique complétement différente. La différence majeure entre ces deux modes pour un consommateur tient dans le fait que le client est supposé avoir l’argent en provision sur son compte bancaire pour un chèque différé dès sa date d’émission. Alors que dans l’hypothèse d’un crédit à la consommation, le prêteur va mettre à disposition du client le montant demandé sous réserve du paiement des intérêts. En outre, il faut avoir un agrément bancaire (établissement de crédit ou société de financement) pour pouvoir prêter de l’argent à titre habituel. Un Distributeur ne peut pas avoir cette qualité.
- Quels sont les risques auxquels les clients et les Distributeurs sont exposés dans le cadre d’un chèque différé ?
Les entreprises ne supportent pas de risques légaux à mettre en place un système de chèque différé, autre que le risque d’impayé qui peut être couvert par une garantie émise par un établissement bancaire ou une entreprise d’assurance.
En effet, le chèque différé a des avantages certains, car il reste un chèque payable à vue, ce qui veut dire que le chèque est encaissable dès son émission et toute clause contraire est d’ailleurs considérée comme nulle aux yeux de la loi. Ainsi, l’encaissement effectif du chèque relève de la bonne volonté du bénéficiaire.
S’agissant du client émetteur du chèque, il doit avoir la provision sur son compte bancaire et celle-ci doit être disponible jusqu’à que le chèque soit débité.
Or, en cas de défaut de provision suffisante sur le compte, la banque peut rejeter le paiement du chèque, et la personne à qui le chèque a été remis ne sera pas payée. Par la suite :
- Le client recevra un avertissement du banquier du rejet du chèque émis ;
- Le client aura une faculté de régularisation après le rejet du chèque, pendant 30 jours
- Si la régularisation ne se fait pas :
- Le client ne pourra plus émettre de nouveaux chèques et la banque demandera alors de lui restituer son carnet de chèques
- Le client sera inscrit au fichier central des chèques tenu par la Banque de France pour une durée de 5 ans à défaut de régularisation
Ainsi, si le Distributeur décide d’encaisser le chèque plus tôt que le délai prévu avec le client, ce qui serait dans son bon droit, et que l’argent n’est pas disponible sur le compte bancaire, les conséquences peuvent être lourdes pour le client.
En conclusion, bien que cette pratique puisse aider, de façon temporaire, les clients ayant un besoin de trésorerie durant un instant donné, elle peut également les mettre en grande difficulté financière dans l’hypothèse où les clients auraient mal géré la planification de leurs dépenses et les exposer à un risque d’interdiction bancaire et de surendettement.