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23/04/20

Can an employer organise a pre-dismissal interview by videoconference?

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Les textes adoptés par voie d’ordonnance dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire n’ont pas eu pour effet de suspendre ou d’interrompre les procédures de licenciement déjà engagées à l’encontre des salariés de droit privé ou des agents de la fonction publique. Afin de poursuivre les politiques sociales internes aux entités publiques et privées tout en respectant les mesures de confinement imposées par voie règlementaire, les employeurs sont parfois tentés d’organiser des entretiens préalables au licenciement par des moyens dématérialisés de visioconférence (Skype, Whatsapp, etc.). Or, ni le Code du travail (pour les salariés de droit privé), ni les décrets modifiés n° 88-145 et n°91-155 (pour les agents contractuels de la fonction publique territoriale et hospitalière), ne définissent le procédé par lequel doit se tenir cet entretien. Si un employeur ne peut en principe imposer au salarié ou à l’agent la tenue d’un entretien préalable au licenciement par un procédé de visioconférence (1.), il peut néanmoins y recourir avec l’accord de la personne concernée sous réserve que des garanties suffisantes soient mises en place afin d’assurer le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense (2.).

  1. Un employeur ne peut imposer au salarié ou à l’agent la tenue d’un entretien préalable au licenciement par un procédé de visioconférence

 L’entretien préalable au licenciement est un droit au seul bénéfice des salariés et des agents contractuels de la fonction publique. Les droits du travail et de la fonction publique partagent ainsi la même règle de principe selon laquelle un employeur ne peut imposer à la personne concernée la tenue d’un entretien préalable au licenciement par un procédé de visioconférence.

  • Une garantie accordée aux salariés de droit privé

Les dispositions définissant le régime de l’entretien préalable au licenciement (articles L. 1232-2 à L. 1232-5 et R. 1232-1 à R. 1232-3 du Code du travail) demeurent silencieuses quant à la possibilité pour un employeur de prévoir la tenue d’un tel entretien par un moyen de visioconférence.

Toutefois, les articles R. 1232-1 et R. 1232-2 du Code du travail évoquent à deux reprises « le lieu » de l’entretien et l’article R. 1232-3 du même Code prévoit que le conseiller du salarié confirme à celui-ci « sa venue » ou lui indique le cas échéant qu’il ne peut « se rendre » à l’entretien.

La terminologie employée par ces dispositions semble révéler que le pouvoir réglementaire n’a entendu permettre que la convocation à un entretien préalable physique.

C’est du moins cette lecture que suggère la Chambre sociale de la Cour de cassation en estimant que « […] une conversation téléphonique ne saurait remplacer l’entretien préalable prévu par l’article L. 122-14 du Code du travail » (Cass. Soc., 25 novembre 1991, n° 9044195, solution récemment confirmée par CA Aix-en-Provence, Ch. 3-4, 14 février 2020, RG n° 17/10274).

Pour autant, la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée à ce jour sur la validité du recours à un procédé de visioconférence pour la tenue d’un entretien préalable au licenciement.

La Cour d’appel de Poitiers a cependant jugé irrégulier l’entretien préalable effectué par « Skype » aux motifs que cet entretien « implique la mise en présence de l’employeur ou de son délégué et du salarié dans un lieu déterminé qui, sauf exception dûment justifiée, doit être celui où s’exécute le contrat de travail » et que « aucune disposition légale ne prévoit qu’un entretien par vidéo sur internet puisse remplacer une rencontre physique dans un lieu déterminé » (CA Poitiers, Ch. soc., 2 décembre 2015, RG n° 14/03363).

Cette solution a d’ailleurs été confirmée par la Cour d’appel de Grenoble qui a estimé, s’agissant de l’utilisation du logiciel « Skype », que « il ne ressort pas des dispositions réglementaires d’application des articles L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail que l’entretien préalable à licenciement peut se dérouler par visio-conférence » et que « le code du travail ne comprend aucune disposition permettant de déroger au principe d’une rencontre physique […] » (CA Grenoble, Ch. soc., section A, 7 janvier 2020, RG n° 17/02442).

Il résulte de ces décisions qu’un employeur ne peut régulièrement imposer au salarié de droit privé la tenue d’un entretien préalable par un moyen de visioconférence (voir toutefois pour une solution contraire mais dont la portée ne peut selon nous être généralisée CA Rennes, 11mai 2016, n° RG 14/08483).

  • Une garantie accordée aux agents contractuels de la fonction publique

A l’instar du Code du travail, les articles 39-2 et suivants du décret modifié n°88-145 et du décret modifié n°91-155 posant le principe d’un entretien préalable au licenciement des agents contractuels de la fonction publique territoriale et hospitalière demeurent silencieux quant aux modalités pratiques de cet entretien.

Mais contrairement aux dispositions du Code ci-dessus rappelées, la terminologie employée par les décrets du 15 février 1988 et du 6 février 1991 n’évoque aucun « lieu » où l’agent ou son conseiller devrait « se rendre », donnant ainsi à penser que l’entretien préalable pourrait se dérouler autrement que par la réunion physique entre les protagonistes.

Pour autant, cette différence rédactionnelle ne semble pas autoriser les employeurs publics à imposer à leurs agents la tenue d’un entretien préalable par un procédé de visioconférence.

En effet, si le juge administratif ne s’est à notre connaissance jamais clairement prononcé sur la possibilité pour un employeur d’organiser un entretien préalable par un procédé dématérialisé, il y a tout lieu de penser qu’il appréciera la légalité du recours à ce procédé à la lumière des droits de la défense et du principe du contradictoire dont il ne déroge que dans l’hypothèse où une loi le prévoit expressément (voir en ce sens CAA Paris, 27 septembre 2018, n° 17PA03317).

En conséquence, le juge administratif devrait, comme son homologue judiciaire, sanctionner l’organisation par un employeur public d’un entretien préalable au moyen d’un procédé de visioconférence faute de toute disposition en prévoyant expressément l’utilisation.

La question doit néanmoins être posée de savoir si le caractère exceptionnel des circonstances liées à l’épidémie du Covid-19 pourrait justifier des entorses à la légalité normale des procédures de licenciement des agents contractuels de la fonction publique.

La théorie jurisprudentielle dite des « circonstances exceptionnelles » reconnait en effet le droit pour l’administration de s’affranchir du principe de légalité applicable en période normale dans l’unique but de faire prévaloir l’intérêt général sur celui de l’agent (voir en ce sens CE, 28 juin 1918, Heyries, s’agissant de l’absence de communication à l’agent de son dossier en période de guerre).

Mais la mise en œuvre de cette théorie est subordonnée à la réunion de conditions pour le moins strictes, à savoir :

  • La démonstration par l’administration du caractère exceptionnel des circonstances ;
  • La démonstration par l’administration de l’impossibilité pour elle de respecter la légalité normale;
  • La démonstration par l’administration de ce que la mesure exceptionnelle a été prise dans l’intérêt général.

Ainsi, à supposer que la crise sanitaire caractérise bien une circonstance exceptionnelle, l’employeur public souhaitant organiser un entretien préalable au licenciement par un procédé de visioconférence devra préalablement s’assurer, d’une part, qu’il se trouve de droit ou de fait dans l’impossibilité de reporter la date de cet entretien, d’autre part, que la tenue de cet entretien par un procédé de visioconférence vise à faire prévaloir l’intérêt de la collectivité et, à tout le moins, celui du service de rattachement de l’agent.

En conséquence, le caractère exceptionnel des circonstances liées à la crise sanitaire ne peut selon nous justifier la mise en place par l’employeur public d’un procédé de visioconférence pour la tenue d’un entretien préalable au licenciement que dans des hypothèses très particulières tenant à la gravité des fautes et à l’indiscipline de l’agent mettant en péril le fonctionnement même du service.

Cette analyse est du reste conforme à l’esprit de l’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, lequel autorise les seuls « trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ».

Si les droits du travail et de la fonction publique posent tous deux le principe selon lequel l’employeur ne peut organiser un entretien préalable par un procédé de visioconférence, le recours à un tel procédé reste possible à titre exceptionnel et dans des conditions strictement définies.  

  1. Un employeur ne peut organiser un entretien préalable au licenciement par un procédé de visioconférence que si le salarié ou l’agent y consent et sous réserve de la mise en place de garanties procédurales

La tenue d’un entretien préalable au licenciement ne peut régulièrement être envisagée que dans un cadre strictement défini. L’employeur doit en effet préalablement recueillir l’accord du salarié ou de l’agent. Il doit par ailleurs mettre en place les garanties procédurales permettant d’assurer le respect du principe du contradictoire ainsi que des droits de la défense.

  • Le recours à un procédé de visioconférence est subordonné à l’accord du salarié ou de l’agent

Les droits du travail et de la fonction publique admettent la régularité d’un entretien préalable par un procédé de visioconférence lorsque le salarié ou l’agent y consent expressément et de façon non équivoque.

Cette solution est admise par le juge judiciaire (CA Grenoble, Ch. soc., section A, 7 janvier 2020, précité).

Elle est également celle que paraît retenir le juge administratif (CAA Bordeaux, 18 décembre 2017, n° 16BX00818, Ministre du travail c./ société Tiag industries, s’agissant toutefois d’un entretien préalable effectué en visioconférence en raison de l’absence physique non de l’agent mais de l’employeur).

Il convient de préciser à cet égard qu’une Cour d’appel paraît avoir estimé que le consentement à un entretien préalable à distance est présumé dans le cadre d’une rupture conventionnelle (CA Nancy, Ch. soc., 4 novembre 2015, RG n° 14/03004, s’agissant d’un entretien effectué par téléphone).

Il est donc conseillé à l’employeur souhaitant mettre en place un procédé de visioconférence pour la tenue d’un entretien préalable au licenciement de recueillir l’accord personnel, écrit et non équivoque du salarié ou de l’agent concerné par la procédure.

La réception de cet accord doit encore en outre être accompagnée de mesures procédurales destinées à garantir le respect du contradictoire ainsi que des droits de la défense.

  • La nécessité pour l’employeur de mettre en place des garanties procédurales

Le juge judiciaire considère que la tenue d’un entretien préalable par un procédé de visioconférence entache d’irrégularité la procédure de licenciement dès lors que le salarié ne peut s’assurer de l’identité des personnes connectées (CA Bourges, Ch. soc., 15 janvier 2019, RG n° 18/00201, Mme Le B. /c. ADEF RESIDENCES).

Il est donc conseillé aux employeurs d’informer le salarié ou l’agent sur les caractéristiques du dispositif technique utilisé et de le renseigner sur l’identité des personnes présentes à l’occasion de l’entretien ou susceptibles d’avoir accès aux propos tenus à cette occasion.

 Le juge judiciaire veille en effet à ce que l’entretien préalable reste confidentiel et ne déguise en réalité une procédure d’enquête à l’encontre du salarié.

Les mêmes précautions doivent être mises en place par les employeurs publics à l’égard de leurs agents contractuels.

A défaut en effet, le juge administratif pourrait considérer que l’impossibilité pour l’agent de s’assurer de la confidentialité des échanges tenus à l’occasion de l’entretien préalable prive ce dernier d’une garantie entachant d’irrégularité la décision de licenciement (CE, 23 décembre 2011, n° 335033, Danthony).

 

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