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24/04/24
Vers un « Say on Board » en France : impliquer les investisseurs dans la composition des conseils d’administration
La démultiplication du recours au « Say on » dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé opère une sorte de transfert de compétences du conseil d’administration vers l’assemblée générale.
Il y a d’abord eu le « Say on Pay », puis le « Say on Climate ».
Allons-nous assister à la poursuite du développement d’une série de « Say on » ou existe-t-il une meilleure voie à suivre ?
Ce transfert de compétences qui marque une certaine défiance quant aux capacités du conseil d’administration à faire face à ses obligations, s’accompagne de la volonté des investisseurs de peser davantage dans les décisions sociales. Certains d’entre eux se regroupent au sein d’associations (notamment PRI, Climate Action 100+), leur permettant d’avoir plus d’influence lors des assemblées générales et de leur préparation.
Cette démarche s’est accélérée ces dernières années avec les problématiques ESG auxquelles sont confrontés les émetteurs. Ainsi, le nombre de résolutions ESG déposées par les actionnaires est en augmentation, ce qui démontre cette volonté de la part des investisseurs de s’impliquer directement dans le processus de prise de décision qui relevait normalement du conseil d’administration.
Toutefois, si les actionnaires devaient agir de manière conflictuelle, cela serait susceptible de perturber les entreprises. Il devient donc important de réfléchir en amont avec les émetteurs à la mise en place d’une approche collaborative permettant d’encadrer le rôle des investisseurs dans la gouvernance et la définition des stratégies des émetteurs tout en respectant la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux telle qu’elle existe en droit positif.
Or ce sont les membres des conseils d’administration qui ont un rôle important à jouer dans ces discussions complexes relatives au climat et de manière plus générale aux sujets sociétaux.
Entre ces nouvelles contraintes inédites et les pressions permanentes des parties prenantes en attente de rentabilité, s’emparer de ces sujets demande du courage, de la ténacité et du réalisme. Si les leviers réglementaires et l’innovation seront des moteurs importants des changements espérés, les sociétés qui sauront anticiper, accélérer et ouvrir la voie pour réinventer leur secteur en sortiront renforcées et jetteront les nouvelles fondations d’entreprises plus pérennes.
En effet, le développement durable peut nécessiter de trouver un équilibre entre le profit et l’intérêt général. L’équilibre à trouver est spécifique à chaque entreprise. Cet équilibre suppose une connaissance approfondie des émetteurs, le traitement d’informations parfois confidentielles et une capacité à réagir vite. Nul doute que dans ce contexte, le bon forum est celui du conseil d’administration et de ses comités spécialisés. Les administrateurs auront le devoir d’élargir leur réflexion et d’inscrire leurs débats dans une vision de long terme intégrant risques et opportunités notamment sur les enjeux climatiques pour mieux accompagner et challenger la Direction générale. Il s’agit d’assurer la pérennité même de l’entreprise.
En raison de ce rôle prépondérant du conseil d’administration, la définition des profils et la sélection des candidats au conseil d’administration deviennent pour les actionnaires un sujet d’autant plus important.
Sur le modèle du « Say on Board » mis en œuvre en Italie et dans les pays nordiques, une plus grande implication des investisseurs dans le choix de la composition des conseils d’administration apparaît comme une approche pertinente.
A droit positif constant, le « Say on Board » à la française pourrait être envisagé de deux manières :
- prévoir la nomination de représentants d’actionnaires au comité des nominations en inscrivant ce principe dans le règlement intérieur du conseil d’administration.
- permettre aux actionnaires, ou à certains d’entre eux, de proposer au comité des nominations des candidats au poste d’administrateur en inscrivant également ce principe dans le règlement intérieur du conseil d’administration.
En l’absence de cadre réglementaire contraignant, cette démarche volontaire s’inscrirait comme une bonne pratique permettant de répondre aux nouvelles exigences imposées aux investisseurs pour la prise en compte de la performance financière et extra-financière des entreprises dans lesquelles ils prennent des participations.
Avocats concernés :