Flash infos

Flash infos

8/10/24

Vers une réminiscence du préjudice nécessaire : Attention à la réparation automatique !

Dans deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 4 septembre dernier, les juges ont reconnu trois nouveaux cas de « préjudices nécessaires » justifiant une réparation automatique du salarié, sans que ce dernier ait à démontrer un quelconque préjudice :

  • Le non-respect du temps de pause quotidien par l’employeur ;
  • Le fait de faire travailler une salariée pendant un arrêt de travail pour maladie ;
  • La fourniture de travail à une salariée durant un congé maternité.

 

En revanche, la Cour de cassation a refusé de reconnaître une réparation automatique du salarié en lien avec l’absence de suivi médical d’une salariée ou de visite de reprise auprès de la médecine du travail suite à un congé maternité.

(Cass. soc., 4 septembre 2023, n°23-15.944, n°22-16.129)

 

Pour rappel, la théorie du préjudice nécessaire avait été peu à peu abandonné par la Cour de cassation qui dans un arrêt du 13 avril 2016 avait indiqué que l’existence d’un préjudice et son évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

 

(Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293)

 

Cet arrêt a sonné le glas de tout un pan jurisprudentiel qui reconnaissait de manière extensive et non limitative des réparations automatiques du seul constat du manquement de l’employeur dans de nombreux domaines du droit du travail.

 

L’abandon de cette théorie jurisprudentielle a été applaudi par les praticiens œuvrant aux côtés des entreprises tant cette présomption irréfragable de préjudice plaçait quasiment systématiquement les employeurs en défaut et devant un risque d’indemnisation.

 

On assiste aujourd’hui à un « reflux » de la notion de préjudice « nécessaire ». La Cour de cassation a validé petit à petit de nouvelles exceptions jurisprudentielles. C’est ce qu’elle a admis lorsque la réparation du préjudice est prévue par une disposition légale ou ressort de l’interprétation d’une disposition de droit interne à la lumière d’une directive européenne :

 

Caractérise ainsi un préjudice nécessaire :

  • la perte injustifiée de son emploi par un salarié  ; (Cass. soc., 13 septembre 2017, n°16-13.578)
  • l’atteinte à l’intimité de la vie privée d’un(e) salarié(e) (Cass. soc., 12 novembre 2020, n°19-20.583) ;
  • la mise en œuvre d’une procédure de licenciement économique en dehors de la mise en place des institutions représentatives du personnel et sans que soit établi un procès-verbal de carence (Cass. soc., 17 octobre 2022, n°17-14.392) ;

 

La Cour de cassation a également reconnu tout récemment la notion de préjudice nécessaire en matière de temps de travail sous l’angle de la santé des salariés :

  • le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire (Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636) ;
  • le dépassement de la durée maximale de travail quotidienne (Cass. soc., 11 mai 2023, n°21-22.281, n°21-22.912) ;
  • le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit, calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives (Cass. soc., 27 septembre 2023, n°21-24.782) ;
  • le non-respect d’une période de repos journalier obligatoire ( soc., 7 février 2024, n°21-22.809).

 

Sous l’influence du droit européen puisque l’ensemble de ces décisions ont été rendues sur le fondement de la directive européenne n°2008/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 renvoyant aux exigences de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

 

Sous l’égide du droit à la santé et la sécurité du travailleur, un champ élargi est ouvert par la jurisprudence à la notion de préjudice nécessaire, invitant les employeurs à redoubler d’attention dans le respect de leurs obligations en matière de santé et de sécurité des salariés.

 

Il en résulte une vigilance renforcée dans la pratique des managers dans le traitement de la situation des salariés afin de ne pas exposer l’employeur à un risque de condamnation financière supplémentaire qui vient allonger la liste des chefs de contestation présentés à l’occasion d’un contentieux prud’homal.

 

La question de la réparation de ce préjudice « nécessaire » reste à l’appréciation souveraine des juges du fond.

 

La durée d’exposition, la répétition des manquements comme les circonstances du manquement ou encore l’âge du salarié, son profil ou son ancienneté du salarié comme ses conséquences sur sa vie personnelle et familiale, ou sur son état de santé sont autant d’éléments que les juges prendront en compte dans leur évaluation du « préjudice nécessaire » pour en fixer le quantum.

 

Toute notre équipe se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre des « bonnes pratiques » managériales pour limiter l’exposition à un tel risque.

Télécharger